Esther Kahn
L’anti-manuel appliqué
Esther Kahn
Arnaud Desplechin
Esther Kahn est un film anglais réalisé en
2000 par Arnaud Desplechin, auquel contribue Claire Mercier au début de la
gestation du projet. Claire Mercier écrit (pour d’autres films) : « « L’entrée de
la jeune femme dans la vie » ou la fable cinématographique n’est-elle pas celle
qui (nous) introduit dans le devenir »1. Le « devenir » des personnages
sur lequel s’étend Claire Mercier dans son ouvrage sur la ciné-fable est
parfaitement incarné par le film Esther Kahn.
Pour Claire
Mercier, cette dimension de la fable cinématographique est un « mouvement du
disparaître immédiat de l’un dans l’autre »2. La jeune Esther, timide et
mesquine, semble souffrir d’alexithymie puisqu’elle ne réussit à éprouver de
sentiments pour personne. Elle parvient pourtant à poursuivre son rêve et
entame une carrière de comédienne. Malgré de belles performances dans de petits
rôles au théâtre, elle ne tarde pas à être handicapée par un réservoir absent
d’émotions. Un vieil acteur la pousse à s’ouvrir à l’amour et à fréquenter un
homme. Elle comble finalement ses manques dans les puissances de la jalousie et
de la haine après la trahison de son amant.
Comme le souligne
Claire Mercier, « la découverte effective du devenir passe par celle du sexe,
de la sexualité, du contact avec l’autre, par la confusion des sexes »3. La métamorphose a effectivement
lieu. Esther, à la suite de cette expérience douloureuse se mue en une
comédienne qui vit du « réel » au lieu de l’imiter au théâtre. La puissance des
sentiments fait d’elle, à mesure qu’elle joue désormais avec ses tripes, une
révélation pour le Londres de la fin du XIXème siècle et un sujet anéanti.
Hui-Ju
Wang
1 MERCIER Claire, La cinéfable, entre drame et récit,
L’Harmattan, Paris, 2017, p. 99
2 Ibid., p. 100.
3 Idem.
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